Local de sauvetage

Les eaux paisibles du Léman ? Dans « La nouvelle Héloïse », peut-être. Mais celles et ceux qui naviguent par plaisir ou par nécessité savent que le roman de Jean-Jacques Rousseau n’a pas grand-chose à voir avec la réalité. En effet, à la traîtrise des courants s’ajoutent, en toutes saisons, des orages aussi violents qu’imprévisibles et une puissance de vent capable de rendre les vagues assassines. Créée à la fin du 19e siècle, la société de sauvetage de Versoix s’inscrit dans une mouvance générale qui, de Genève à Villeneuve, témoigne d’une volonté ferme des populations de s’organiser pour répondre aux caprices du lac. Elle est installée depuis des générations sur le quai, juste à côté du splendide domaine de la mairie. La situation est exceptionnelle mais le bâtiment ne répond plus aux nouveaux besoins et montre de sérieux signes de vétusté. Une requête en autorisation pour transformation et agrandissement se voit déposée au printemps 2014.

PROGRAMME / PROJET

Du contexte général, on a gardé la morphologie primitive, avec le mur coudé sur lequel s’appuient la construction, le gabarit limité à un seul niveau, la tourelle caractéristique et le garde-corps en ferronnerie ouvragée. Aux nécessités programmatiques de base (espace couvert pour la mise à l’eau du bateau d’intervention, hangar, rails et chariot avec treuil électrique) viennent s’adjoindre une infirmerie, des espaces sanitaires différenciés pour hommes et femmes (vestiaires, douches et WC), une agréable salle de réunion avec cheminée, une cuisine semi-professionnelle et un local technique. La raison d’être du nouveau local de sauvetage justifie sa visibilité depuis les eaux du Léman. Mais si le nouvel objet entend s’affirmer comme un élément typologique fort sur le quai, il cherche également à s’intégrer dans un site constitué de bâtisses historiques, d’espaces de promenade ouverts et d’un parc richement arboré.

Cette ambition se traduit par un vocabulaire où les formes pures se déclinent dans un rythme clair sur les différentes façades. La suite d’ouvertures circulaires ou la trame répétée des claustras assure à l’ensemble une sobriété de bon aloi, en phase avec les spécificités de la situation. Un langage simple qui puise également sa sincérité dans l’utilisation de matériaux à la finition mate et presque prépatinée, ainsi qu’à un choix de teintes délicat et épuré. Le système constructif retenu s’est vu dicté par la nature du site – humidité, vent, fortes sollicitations météorologiques – et les contraintes d’un planning particulièrement serré. L’agrandissement proprement dit est réalisé avec une charpente préfabriquée en ossature bois, avec des dalles « Lignatur » (caissons de bois construits en usine et montés sur place) pour la toiture ; l’enveloppe extérieure est constituée de plaques « TecuBond », matériau composite très résistant et facile d’entretien. Les murs, le sol et les façades de la partie ancienne ont été isolés de façon plus traditionnelle. Enfin, hormis les espaces abritant les bateaux, tous les locaux bénéficient désormais d’un chauffage performant grâce à une pompe à chaleur air/eau et des capteurs solaires tubulaires. Maîtrisée et menée sans que ne cesse l’activité des équipes de sauvetage de Versoix, la réalisation atteste sa modernité sans contredire l’histoire du lieu. Avec force et évidence, le bâtiment se pose face aux eaux d’un Léman souvent difficile, au secours de quiconque se verra en difficulté.